Les Conférences Festivalières

Les Rendez-vous de l'Histoire

 

Dans le cadre de la Carte Blanche accordée par les RVH, l'UTL fait appel à Renaud EPSTEINProfesseur de sociologie, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP).

 

 

Renaud Epstein est professeur de sociologie à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye et membre du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (CESDIP), après avoir été maître de conférences en science politique à l’Université de Nantes de 2009 à 2016. Ses travaux s’inscrivent dans le chantier de recherche de la gouvernance urbaine, qu’il aborde dans une perspective de sociologie politique de l’action publique. Ses recherches sur les trophées et labels territoriaux viennent prolonger ses travaux antérieurs sur la rénovation urbaine, dans lesquels il analysait les recompositions contemporaines des relations entre pouvoir central et pouvoirs locaux et l’émergence d’une forme inédite de « gouvernement à distance ».

Jeudi 10 OCTOBRE

INSA - AMPHI DENIS PAPIN - DE 14H15 À 15H15

LES CARTES POSTALES DE GRANDS ENSEMBLES

DES ARCHIVES POPULAIRES DE LA MODERNISATION URBAINE

Apparue au début des années 1870, la carte postale va rapidement devenir un produit de masse, objet d’une industrie et d’un marché qui atteindra son pic à la veille de la Première Guerre mondiale, avec près de 800 millions d’exemplaires distribués chaque année à la seule échelle française, et restera dynamique jusqu’à la fin des années 1970. Ces petits rectangles cartonnés ont joué un rôle-clé dans la démocratisation et la massification de la diffusion d’images sur une période longue d’un siècle, marquée par l’essor des circulations des personnes à la double échelle nationale et internationale sous l’effet de l’urbanisation associée à l’industrialisation, de la conscription, de la colonisation et du développement du tourisme [1].

La démocratisation de l’appareil photo à partir des années 1960, l’entrée du téléphone dans les foyers dans la décennie suivante puis du smartphone dans les poches au tournant du XXIe siècle ont progressivement réduit l’usage de la carte postale comme support de communication, qui se limite désormais au rituel social de la correspondance de vacances.

La carte postale est devenue un objet du passé, qui bénéficie à ce titre d’un regain d’intérêt. Au-delà des collectionneurs et des artistes contemporains, fascinés par ces formes matérielles d’images en train de disparaître, ce sont désormais les sciences sociales qui s’intéressent à ces images double face qui s’échangent contre quelques pièces jaunes dans les brocantes et vide-greniers. Car les cartes postales ne permettent pas seulement d’analyser les modalités de formation d’une culture visuelle et de représentations stéréotypées du monde [2]. Avec les textes figurant au verso, elles peuvent être considérées comme des archives populaires, fournissant un éclairage renouvelé sur les sociabilités ordinaires dans un monde urbanisé où les proches sont devenus de plus en plus lointains.

C’est dans cette double perspective de construction d’une culture visuelle de la modernisation urbaine des trente glorieuses et d’archives populaires de cette période que les cartes postales de grands ensembles d’habitat social seront abordées dans la conférence. Celle-ci prendra appui sur la collecte et l’exploitation d’un corpus de plus de 3000 cartes représentant ces nouveaux quartiers bâtis en masse du début des années 1950 jusqu’à la fin des années 1970. Leur érection, dans les périphéries de toutes les villes françaises, s’est en effet accompagnée d’une production systématique et massive de cartes postales, à destination de leurs résidents. Envoyées à la famille ou aux amis, elles ont fait entrer dans l’intimité des foyers français, bien au-delà des grandes villes et des bassins industriels où ceux-ci s’installaient dans le paysage, ces grands ensembles qui incarnaient alors la modernisation urbaine et la promesse de progrès social. Elles ont ce faisant contribué à façonner l’imaginaire social des lieux, en offrant une traduction visuelle aux discours modernisateurs des architectes et des technocrates, d’autant plus efficacement que les éditeurs de cartes postales avaient fréquemment recours aux photographies vues d’avion, qui permettent de saisir dans une vue d’ensemble ces cités nouvelles faites d’immeubles monumentaux ordonnés rationnellement dans l’espace[3].

L’intérêt historique de ces cartes postales réside dans leur caractère recto-verso. Les photographies du recto permettent de documenter le vaste programme de modernisation urbaine conduit par un Etat centralisé dans les décennies d’après-guerre, en même temps qu’il révèle, derrière l’uniformité de chaque quartier, la diversité des formes urbaines auxquelles il a donné naissance. Les textes du verso permettent d’accéder aux récits de leurs habitants et ainsi de revisiter par le bas un pan de l’histoire urbaine qui est le plus souvent abordé par le haut.

 



[1] Nachtergael, M., Reverseau, A. (dirs.), 2022, Un monde en cartes postales: culture en circulation, Marseille, Le mot et le reste.

[2] Bouillon, M.-È., Perles, V. (dirs.), 2023, Nouvelles du paradis. La carte postale de vacances, Paris, Loco.

[3] Bertho R. (2014), « Les grands ensembles. Cinquante ans d’une politique-fiction française », Études photographiques, 31.

Paradoxalement, la conférence qui nous est accordée par BD Boum restera sur le thème des Trente Glorieuses, vues sous un angle très différent, mais tout aussi riche d'enseignement !

Notre conférencier, Christophe MEUNIER, est  docteur en géographie, Formateur à l'INSPE Centre Val de Loire en Histoire-Géographie.

Il  travaille sur les représentations de l'espace et des spatialités dans les objets culturels (albums pour enfants, BD, séries TV).

JEUDI 21 NOVEMBRE

AUDITORIUM SAMUEL PATY - 14H30 A 15H30

Caroline, héroïne des Trente Glorieuses

Comme Martine, le personnage de Caroline est une figure emblématique de la littérature de jeunesse des Trente Glorieuses. Créée en 1953 par Pierre Probst, elle incarne l’après-guerre où l’abondance, les loisirs et la consommation contrastent avec les années de restriction matérielle qui ont précédé. Elle s’adresse à un lectorat de « Français moyens » qui commencent à accéder aux loisirs des classes aisées. Sa grande capacité est celle à « gérer les distances ». La fillette découvre la ville, la campagne, l’Europe et le monde. Elle initie ses jeunes lecteurs aux pratiques récentes et populaires du tourisme. Observateur du monde, des transformations de la France des années 1950 à 2000, du baby-boom et de la société de consommation montante, Pierre Probst est un « faiseur d’espaces ».